Niché en bordure de la forêt de Quénécan, sur la rive orientale du lac des Salles, les ruines d’un des plus anciens châteaux des Rohan, semblent perdues et oubliées des hommes, semblables au château de la Belle au bois dormant que le beau prince du conte n’aurait jamais trouvé. La vie s’en est alors allée à jamais.

Les châteaux des Rohan sont nombreux, Josselin, Rohan, La Noyale (le château s’appelle aussi « les Salles » » dès 1150), La Chèze, Perret, Corlay, Pontivy (construit en 1485, il abritera une église réformée dès 1560), Blain, Guéméné… Le regretté Charles Floquet a consacré un livre à ces nombreuses bâtisses (61) liées aux Rohan. Ces derniers sont issus d’une branche cadette de l’ancienne maison des comtes de Rennes, les comtes de Porhoët. Ils possédaient de vastes domaines dans le Centre-Bretagne, autour de Josselin, mais jusqu’à la châtellenie de Gouarec où au XIe siècle ils font bâtir au bord de l’étang des Salles un premier château sur l’emplacement d’une villa gallo-romaine.

A la mort de Josselin II de Porhoët en 1116, ses petits-fils se partagent ses terres. Geoffroi de Porhoët réside à Josselin sur un domaine très riche, et cède à son cadet Alain un vaste territoire plus à l’ouest qui se compose de 81 paroisses. Alain se fait construire des châteaux, dont celui du « Petit Rocher », « Rohan » en breton, qui donnera le nom de cette branche de la famille de Porhoët. Un acte d’Alain Ier de Rohan daté de 1125, accorde aux « hommes de l’abbaye de Redon, demeurant à Penret, l’exemption de l’obligation qu’ils devaient de garder le château avec les autres vassaux ».

Un manoir avec une chapelle fortifiée

Le château est reconstruit par Alain Ier en 1128, mais à la fin du XIVe ou au début du XVe siècles, il est totalement transformé; de cette époque datent « une partie du logis du château ainsi que l’enceinte quadrangulaire flanquée de tours rondes ». Une caractéristique géologique du lieu va être à l’origine du blason des Rohan. En effet le site est riche en cailloux cristallisés appelés « lardons », dont les lignes dessinent des « macles ». Un mémoire du vicomte Jean II en date de 1479 indique « Quelles macles de tout temps et encore à présent se sont trouvées et se trouvent continuellement figurées au-dedans des pierres et arbres d’environ le lieu et manoir de Penret », et de préciser aussi l’origine de l’affection particulière de la maison de Rohan à saint Mériadec « auquel lieu de Penret ledit St Mériadec fit sa résidence et mena vie contemplative et solitaire pour la plupart de ses jours » (Ch. Floquet « Châteaux et manoirs… » page 129). Mériadec était le fils de Conan, roi de Bretagne en 409. C’est lui qui serait à l’origine du château des Salles.

Au début du XVIe siècle une tour carrée est ajoutée qui servira de « chapelle fortifiée » (« A l’angle nord-est se trouvent les restes d’une chapelle fortifiée » Hervé du Halgouët 1921) pour les prêches du culte protestant alors pratiqué par les Rohan. Cette tour est bien visible sur les plans, et ses vestiges subsistent en 2015. La mention « fortifiée » n’est pas étonnante, car une autre tour fut également aménagée en vue de besoins défensifs, « pour recevoir des canons » écrit Charles Floquet (« Châteaux et manoirs… » page 129). Si l’on trouve parfois la mention de « château » pour cette propriété des Salles, le plus souvent c’est « manoir » ou « manoir fortifié » qui apparaît dans les textes.

Même si le lieu ne semble avoir aucun intérêt stratégique, de par son éloignement des voies de communications, il peut à l’inverse servir de refuge en cas de besoin, et alors l’aspect isolé et des fortifications sont des gages de sécurité. L’histoire des guerres de la Ligue en Bretagne est très riche en sièges et assauts de places-fortes, avec perte puis reprise des châteaux sur tout le territoire de la province. Le manoir des Salles est en tout cas un lieu idéal pour la chasse tant le gibier est abondant, et les Rohan à chaque génération aiment à y séjourner. En 1184, Alain III de Rohan fonde à proximité l’abbaye de Bon Repos, sur les rives du Blavet, au nord-est du château des Salles de Perret. Ce sera le Saint-Denis des vicomtes de Rohan qui la choisissent comme lieu de sépulture. Dans la forêt de Quénécan, des haras sont mis en place, qui côtoient les troupeaux de vaches du vicomte.

Un acte de donation du vicomte Alain V en faveur de l’abbaye de Bon-Repos est daté de Penret (ou Perret) en 1232. A la mort de Jean Ier de Rohan, en février 1396, sa veuve Jeanne de Navarre, garde la châtellenie de Corlay, à l’exception du manoir de Penret qui revient à Alain VIII. Le testament d’Alain VIII en 1424, comme celui de Louis de Rohan-Guéméné en 1542 sont rédigés au château des Salles de Perret. Alain IX de Rohan avait fait installer vers 1440 un haut fourneau au Gouvello, lieu-dit situé à l’est du manoir des Salles, « afin de favoriser la construction d’ustensiles de fer et des charrues » écrit Charles Floquet. La forêt de Loudéac abrite déjà vers 1460 « trente grosses forges spécialisées en poêles plates, en fer de charrues etc » (Andrieux page 32). Le vicomte Jean II de Rohan se sert à plusieurs reprises du château des Salles comme prison. Il y maintient en résidence surveillée sa sœur Catherine puis sa fille Anne pour des questions d’alliances matrimoniales non autorisées par lui. De grands noms ont certainement dû séjourner au château de Perret, comme Isabelle d’Albret, (sœur d’Henri, roi de Navarre, lui-même époux de Marguerite d’Angoulême) qui avait épousé le vicomte René Ier de Rohan en 1534 ou le célèbre chirurgien Ambroise Paré qui fut au service de René de Rohan (après l’avoir été du maréchal de Montjean) dès 1542. De passage en Bretagne, A. Paré a décrit les danses bretonnes de la région de Landerneau ! La maison de Rohan officialisa son passage à la Réforme en 1552, au moment de la mort du vicomte René. Les Rohan présidaient alors les États de la province comme « premiers princes de Bretagne ». L’alliance de Jean Ier de Rohan en 1371 avec Jeanne, héritière du Léon, rajouta aux nombreux titres da la famille celui de « prince de Léon », qui « donne préséance aux États » (Ch. Floquet, « le Pontivy journal » du 23 juin 1984).

Sainte Brigitte, une sinistre réputation.

C’est sous le vicomte Henri Ier de Rohan (oncle et homonyme du premier duc) que le centre métallurgique des Rohan va se renforcer en 1566 avec la création d’un nouveau haut fourneau, près de la chapelle, qui sera placée sous l’invocation de Sainte Brigitte, et qui donnera naissance au bourg du même nom. La trêve de Sainte Brigitte, naît vers 1671 du défrichement de la forêt, et par démembrement de la paroisse de Cléguérec. Pourquoi « Sainte Brigitte » de Suède ? Vers 1630, le duc Henri de Rohan avait pensé marier sa fille et unique héritière, Marguerite, avec le prince royal de Suède ! Les registres catholiques de cette chapelle ne débutent qu’en 1684, à la mort de Marguerite de Rohan, la dernière duchesse protestante, et à la veille de la révocation de l’Edit de Nantes. Le roman autobiographique d’Irène Frain « « Sorti de rien » évoque bien le mystère qui entoure cette région de « charbonniers » liés à l’exploitation des forges pour le compte de seigneurs protestants. Dans sa recherche de ses origines, la romancière apprend que ces ancêtres de la région de Sainte Brigitte étaient « des noirs !». Elle interroge alors les anciens qui détiennent la mémoire des lieux : « Des noirs… vous voulez dire…des rouges ? –L’homme des tribus et des limites a maintenu :« Non, des noirs », -C’est–à-dire ? –Des paganistes. –Vous voulez dire des gens sans Dieu, des athées ? ». Il a traversé un petit moment d’embarras. Puis a laissé tomber : « Des protestants ». Il y eu quelques instants de flottements…. L’Eglise a dû leur envoyer des prédicateurs pour les ramener à la vraie foi. Seulement les gens de sainte Brigitte et de Boduic, tous ces coins-là… ils les ont foutus dehors…. « Ils sont retournés à l’église, bien obligé. Mais quelque chose en eux s’est refusé à céder, ils se sont mis à détester les prêtres. Et ça n’a jamais cessé. D’ailleurs, on dit encore « l’Ile noire » quand on parle de Sainte Brigitte et de Boduic ». Quatre siècles plus tard, la mémoire collective reste marquée par les évènements passés.

Mais l’entreprise métallurgique des Rohan va bientôt se déplacer plus au nord et prendre une nouvelle dimension avec Henri, Ier duc de Rohan (en 1603), et la création des Forges des Salles, près de l’abbaye de Bon repos. Chef du parti protestant, le duc veut assurer ses arrières sur le plan militaire, en fin stratège qu’il était. Denise Aupied, dans un article de « La chronique de Pontivy » (n°30 mars-avril 1984), se demande en effet dans quelle mesure cette création « n’entrerait-elle pas dans un projet économique ou même politique plus vaste ? » et de souligner l’existence « d’un mémoire non daté portant à la fin la mention  « doit être lu au dit lieu la semaine d’après Pâques 1621 » « pour envoyer à ceux qui se sont enquis de l’Etat des forêts de Mgr le Duc de Rohan auxquelles on pourrait faire des moulins et forges de fer », et de rappeler la présence du Duc aux assemblées protestantes de La Rochelle en 1521 qui décidèrent de la mise sur pied par les protestants d’un « véritable contre gouvernement ».

Henri de Rohan fait appel à des huguenots qualifiés venus d’autres provinces, de la principauté de Sedan par exemple, avec la famille Barbanson entre autres. Mais nous nous rappelons qu’aux mines de Huelgoat, le lac est à cette époque acheté par un membre de la famille de Rison venu du Béarn, que Louis XIII avait investi en 1620 pour y ré-imposer le catholicisme. Ce coup de force va provoquer la dernière guerre de religion de l’époque. Henri de Rohan, en tant que premier prince de sang de Navarre, réagit fortement, mais il sait que cet évènement préfigure aussi ce qui attend le protestantisme dans tout le royaume.

Révolte et entreprise pré-industrielle.

La révolte des protestants sous la conduite du duc de Rohan connait une accalmie avec l’accord de Montpellier de 1622. Dès lors H. de Rohan décide d’activer la mise en place des nouvelles forges. Les premiers forgerons « étrangers » arrivent alors, et font leur apparition dans les registres protestants bretons, comme le maître des forges Geoffroy Fineman (d’Angecourt, petit village situé à côté des forges d’Haraucourt au sud des Ardennes). C’est le pasteur Etienne de la Place de La Moussaye qui célèbre alors (registre de Plénée-Jugon). Le pasteur Etienne Briand de Pontivy lui succèdera,.

Suite à une nouvelle révolte du duc de Rohan, Louis XIII confisque en octobre 1627 ses terres au profit d’Henri de Bourbon, prince de Condé, qui a mandat de démanteler les fortifications du duc en Bretagne. Isaac de Juyé, sieur de Moricq, conseiller d’Etat, est chargé en octobre 1628 de visiter les forteresses du duc de Rohan pour obtenir la soumission des officiers au prince de Condé, et organiser la destruction des fortifications. En novembre il est à Pontivy; ne voulant pas aller jusqu’aux Salles, il convoque Louis Martinau, procureur fiscal des Rohan à Gouarec, garde de la forêt de Quénécan, concierge du château des Salles. L’année suivante, en mars 1629, la cour de Bretagne envoie un nouveau commissaire sur les terres de Rohan, François d’Andigné, qui pousse jusqu’au château des Salles d’où il expulse le maître des forges Geoffroy de Finemont. En juin 1629, Henri de Rohan rentre en grâce et le roi lui restitue ses biens. Mais les destructions avaient déjà commencé notamment au château de Josselin, ce qui fit dire au cardinal Richelieu, rencontrant le duc de Rohan dans les couloirs du Louvre : « Je viens Monsieur de jeter une bonne boule dans votre jeu de quilles ». Il faisait allusion aux cinq tours d’enceinte du château qu’il avait fait abattre ! En 1634 le duc de Rohan fait édifier à Gouarec même, près des Halles, un pavillon de chasse qui subsiste encore de nos jours, l’ancien château, cité dès 1400, est alors complétement ruiné.

Le registre de Plénée-Jugon (concernant « la Moussaye et les Salles de Rohan », 1618-1678) permet de relever quelques baptêmes ayant eu lieu aux Salles à cette époque ; par exemple en août 1630, celui de Godefroy Tondu, fils de Toussant T. et de Anne Pierlo, des Salles, et Godefroy et Catherine Fineman sont les parrain et marraine, en avril 1634, celui d’Elisabeth Barbanson, en septembre 1637 ceux de Françoise Barnier (ou Bacuine ? fille de Dumée B. et de Marie de Franchimont, « des Salles de Rohan ») et de Françoise Jaques (ou Jaac, de Sedan, fille de Jean J. et de Alison Malherbe). On retrouve Godefroy Fineman comme parrain de Marie Quentin, en avril 1635, la marraine est « Marie Vilette, veuve de noble homme Pierre de Buri, tous du pays de Sedan » (Cl. G. Onfray, « livre des baptêmes… » page 62). Les étrangers viennent aussi d’autres régions. « Dans cette région de forêt, pauvre et peu peuplée, l’industrie nouvelle permettra aux Rohan, note encore Denise Aupied, d’attirer et de protéger, comme pour la draperie à Josselin, des réformés, ici ouvriers du fer qualifiés, originaires du Maine et de Normandie ». Elle note un « parallèle curieux des noms en parentèle dans les registres de l’église réformée qui couvrait le Maine métallurgique avec ceux des premières familles de forgerons des Salles ».

En 1641, Marguerite, duchesse de Rohan (son père Henri est mort en 1638) signe un traité avec Jacques Doisseau, maître des forges (décédé en 1674, aux forges de la Hardouinaye, voir sur le net), afin qu’il dirige les forges des Salles de Perret. Il devait assurer la fin du bail accordé pour 25 ans à Geoffroy Fineman, mais celui-ci était décédé en 1635. Le traité évoque l’existence de « deux forges, deux fourneaux, une fonderie, bâtiments, chaussées, dépendances, moulins, étang.. ». Jacques Doisseau est issu d’une famille bien connue (voir J.Y. Andrieux « Forges et hauts fourneaux en Bretagne du XVIIe au XIXe siècles » pages 45 et svt). A l’expiration de son bail, il devient seigneur de Poulfranc ( au nord-est des forges des Salles) et organise les forges de cette forêt qui dépend de la seigneurie de Corlay aux mains des Rohan-Guéméné. Au Perret, le bail est porté à neuf ans à partir de 1645, avec pour maître des forges : Doyen de la Richardière (de Villeneuve la Juhel en Mayenne, jusqu’en 1675), associé dans un premier temps avec Guyton de Launay, puis Siméon Hay, comte de Couelan (conseiller au Parlement de Bretagne, qui épousa le 16 octobre 1662 Catherine, la fille de l’ancien maître des forges Jacques Doisseau. Sur cette famille également, voir blog d’Odile Halbert « Modes de vie aux XVIe et XVIIe siècles») et François de Farcy jusqu’en 1690 (qui exploitait déjà des forges dans la forêt de Brécilien en Paimpont).

Marguerite de Rohan se mariera en 1645 avec le catholique Henri Chabot, celui-ci la laissera veuve en février 1657. La duchesse réside à Paris près de la cour, mais privilégie lors de ses séjours bretons le château de Pontivy.

Huguenots des forges des Salles, et d’ailleurs…

Le 25 janvier 1657 fut célébré le mariage de Godefroy Parpet (maître mouleur aux forges de Paimpont) avec Suzanne Dupond (fille de Jean, maître fondeur aux forges de Paimpont puis de Sion, et de Raouline Ulier); le registre protestant de Rennes (église de Cleunay) précise que celui-ci eut lieu à Lavilledubois chez Monsieur René de Farcy, et que « les annonces avaient été publiées aux Salles de Rohan, où l’église de Pontivy s’assemblait ; ces annonces étaient signées de M. Briant, pasteur de ladite église et de M. Lavesque, ancien » (1657, date donnée par J.L. Tulot, Vaurigaud évoque lui l’année 1646, voir « Histoire… » vol. 2, page 219). Le père du marié était Philippe Parpet, fondeur aux forges des Salles de Perret. Leur fille Anne sera baptisée au temple de Cleunay le 2 juin 1669. J. L. Tulot a étudié cette famille de Farcy, dans « Familles protestantes de Haute Bretagne au temps de l’Edit de Nantes, CGO 1998, pages 388 à 393). Les frères de Jacques, François, Charles et René de Farcy (fils d’Annibal et de Guyonne Launay) avaient en 1653 acheté une partie de la forêt de Brécilien (Paimpont) à la duchesse de la Trémouille pour y installer forges, fourneaux, fonderie… En 1673, devenus capitaines d’industrie, ils accueillent dans leur domaine de Lavilledubois (en Mordelles) un synode réformé provincial.

En 1660, le pasteur Briant a toujours en charge les églises de Pontivy et Morlaix, tandis que l’église de La Moussaye a pour pasteur Alex. de Larroque-Boyer, et le pasteur Vincent a en charge celle de Quintin (B. V. page 274).

François de Farcy fut également à l’origine de la création des forges du Vaublanc, près de Loudéac en 1671. A l’origine de ces forges du Vaublanc, il y eut la vente par Marguerite de Rohan en 1670 de trois cantons de la forêt de Loudéac à François de Farcy, qui va ensuite associer ses frères René (sieur de la Daguerie) et Jacques (sieur de Pesnel, ancien du consistoire de l’église réformée de Rennes) à l’entreprise (voir Andrieux pages 62 et svt). Vaublanc fut ensuite cédé en 1675 à Siméon Hay. « Pendant quelques années, Siméon Hay cumula les fonctions de maître de forges aux Salles de Rohan et la qualité de propriétaire du Vaublanc, tout en étant probablement associé, de près ou de loin, à la marche de Poulancre » (Andrieux p. 67). Au Vaublanc on a relevé la présence d’ouvriers liés au protestantisme avec la famille Franco. Des membres de cette famille participent à la fondation de la forge de la Prénessaye. C’est ainsi que dans les registres catholiques de cette commune est noté le décès en 1677 d’Isabelle Franchimon, belle-mère de maître Jean Franco, « après avoir fait abjuration de son hérésie ». Un siècle plus tard, en 1799, on trouve encore un François Franco « fondeur et mouleur au fourneau des forges à fer des Salles de Rohan » (Andrieux p. 230-231).

Marguerite de Rohan sera la protectrice des huguenots de la ville jusqu’à son décès en 1684. A cette date un pasteur protestant, le sieur Morin, réside encore au château de Pontivy, à la Révocation il part pour Caen puis se réfugie au Danemark. Les protestants qui ne fuient pas, comme le procureur du siège de Pontivy qui trouve refuge à Sedan, doivent abjurer, tel Jean Mascarenc de Rivière, fermier général du duché, Jacques Boscher, maître orfèvre, Pierre Martin, sieur de la Grande Musse, fermier des Rohan et son frère Jacques (tous deux originaires de Castres en Languedoc) … une quinzaine d’autres noms apparaissent sur les registres d’abjurations. En avril 1705, c’est Marie Paul Chaumet qui abjure pour revenir dans le giron de l’église catholique, elle a 19 ans. Mais qui sont ses parents ? Des protestants clandestins ? Les dernières abjurations apparaissent en 1724, et concernent l’écuyer César Mascarenc sieur de la Gavitte (il a 55 ans, est alité et meurt quelques mois plus tard), et le 28 décembre, noble Jean-Louis Alba, sieur du Pracos (originaire de la ville d’Angle en Languedoc) qui deviendra en 1747 le premier maire de Pontivy. Jean Alba, financier et Nouveau Converti, s’engage dès l’année suivante dans les forges du Vaublanc en signant son premier bail de 6 ans en août 1725. Il ne quittera les forges que 52 ans plus tard, et sous sa direction, elles « gagneront en puissance et en régularité de production » (voir Andrieux pages 71-74). Entre temps, il est devenu de 1739 à 1748 fermier du duché des Rohan pour les terres de Loudéac-La Chèze-La Trinité.

Les officiers des forges logeaient au château des Salles de Rohan. Ce n’est qu’après la Révolution, quand le site des Salles est vendu en 1802 par les Rohan au baron Louis Henri Janzé, que celui-ci fait construire en 1816 le vaste logis actuel des forges des Salles, et développe le site qui deviendra « la plus ancienne et la plus grande forge de Bretagne » (D. Aupied). Les Janzé acquirent aussi en 1802 des Rohan les forges de La Nouée (mises en service vers 1758), situées à mi-chemin entre Josselin et Loudéac. Les propriétaires actuels des Forges des Salles sont leurs descendants, et nous sommes reconnaissants à Monsieur Jacques du Pontavice de nous avoir accordé l’autorisation, en décembre 2013, de consulter les dossiers relatifs aux forges déposés par ses soins aux archives départementales du Morbihan. L’activité métallurgique des Forges des Salles ne prendra fin qu’en 1877, mais le site industriel est conservé et ouvert à la visite, afin que nul ne perde la mémoire des hommes et des faits qui ont « forgé » cette région de fort caractère.

Généalogie résumée des Rohan

*Jean Ié, vicomte de ROHAN 1330-1396, x Jeanne de Léon, xx Jeanne de Navarre (Le vicomte de Rohan devient ainsi le beau-frère de trois rois, Philippe de Valois, roi de France, Pierre d’Aragon, et Charles de Navarre !) d’où Charles de Rohan-Guémné et

*Alain VIII de Rohan 1356-1429(de x) ép. Béatrix de Clisson (fille du Connétable), d’où

*Alain IX de Rohan 1382-1462 x Marguerite de Bretagne 1392-1428, (fille du Duc Jean IV + 1399 et de Jeanne de Navarre, d’où Marguerite qui épouse en 1449 Jean d’Orléans Angoulême grand-père de François Ier, et Catherine de Rohan qui épouse Jean d’Albret arrière-grand-père d’Henri roi de Navarre qui épouse sa cousine Marguerite d’Angoulême ) xx Marie de Lorraine d’où

*Jean II 1452-1516, vicomte de Rohan qui épouse Marie de Bretagne (fille du Duc François Ier et d’Isabeau d’Ecosse fille du roi Jacques Ier Stuart) d’où

*Anne de Rohan +1529 qui épouse son cousin Pierre II de Rohan-Gié (arr.-petit-fils de Charles de Rohan-Guéméné, voir plus haut), d’où

*René de Rohan-Gié 1516-1552 qui épouse en 1534 sa cousine Isabelle d’Albret 1514-1572 (sœur du roi de Navarre et belle–sœur de Marguerite d’Angoulême, voir plus haut), d’où

*René II vicomte de Rohan 1550-1586, qui épouse en 1575 Catherine de Parthenay 1554-1631, veuve de Charles du Quelennec (lui aussi descendant de Charles de Rohan-Guéméné), d’où

Henri Ier duc de Rohan 1579-1638, qui épouse en 1603 Marguerite de Béthune –Sully (fille du ministre d’Henri IV) et Catherine de Rohan qui épouse en 1604 Jean II palatin de Deux-Ponts, (ancêtres de Guillaume II empereur d’Allemagne, Alexandre II tsar de Russie, Henri comte de Paris, François-Joseph empereur d’Autriche, Victor Emmanuel III roi d’Italie…). Henri Ier de Rohan a une fille ;

*Marguerite de Rohan 1617-1684, dernière protestante de sa lignée, elle épouse en 1645 Henri Chabot (1616-1657). Catholique, il relève les nom et armes des Rohan. La famille Chabot fut aussi marquée par le protestantisme, puisque le grand père d’Henri, Léonor Chabot adhéra au protestantisme en 1654, et l’introduisit sur ses terre de Jarnac. Son père, Guy Ier, baron de Jarnac (époux de Louise de Pissseleu sœur de la favorite de François Ier), également protestant, a été à l’origine de «coup de Jarnac » (1547). En 1559 il était gouverneur de la Rochelle.