Au 19e siècle et au début du 20e siècle, 
les colporteurs se déplaçaient à pied de village
en village pour diffuser la Bible.

Le 9 octobre 1930, le président de la République Gaston Doumergue inaugurait le pont Albert Louppe, qui permettait, grâce à une prouesse technique pour l’époque, de franchir l’estuaire de l’Elorn entre Plougastel et Le Relecq-Kerhuon. Au cours de sa visite dans le Finistère, le président rencontra de nombreux élus. C’est ainsi que Jules Collobert, de Lannéanou près de Guerlesquin,  lui déclara qu’il était le premier maire protestant de Bretagne. 

« Moi, je suis le premier président protestant de la République Française », aurait répondu Gaston Doumergue. Si la Bretagne avait déjà connu dans le passé quelques maires protestants, comme à Poullaouën au temps de l’exploitation minière, la situation de Jules Collobert présentait cependant une grande originalité dans l’Ouest breton en cette première moitié du 20e siècle.

Né à Saint-Pol-de-Léon en 1859 au foyer de Michel Collobert, « tailleur d’habits » et de Jeanne Lemeillet, Jules Collobert avait appris le métier d’ébéniste-sculpteur, puis s’était installé à Morlaix avec ses parents. Il épousa Catherine Pallut, également originaire de Saint-Pol-de-Léon.

Avec les colporteurs en Centre-Bretagne

C’est alors qu’il fit la connaissance du colporteur Yves Omnes et assista aux offices en breton assurés par la paroisse protestante de Morlaix dans le quartier populaire de la Madeleine, sur les hauteurs de la ville. Jules et Catherine Collobert y découvrirent le message de l’Evangile qui transforma leur vie. 

Puis ils s’installèrent à Lannéanou en 1888, où le jeune ébéniste devint évangéliste au temple protestant, construit quelques années plus tôt à l’entrée du bourg. Collaborateur des pasteurs Jenkins et Somerville de l’église baptiste de Morlaix, il sillonna pendant de longues années les routes du Centre-Bretagne, travaillant en lien étroit avec plusieurs évangélistes et colporteurs bibliques, ainsi qu’avec l’instituteur de l’école protestante du Guilly près de Carhaix. 

Au cours de son service militaire, Jules Collobert avait occupé un poste d’infirmier et avait donc pu acquérir quelques connaissances médicales. Il eut ainsi l’occasion de se rendre très utile auprès des populations qu’il côtoyait dans le cadre de son travail pastoral, les malades ne recourant aux médecins qu’en cas de grande nécessité. La mutualité sociale agricole, apparue vers 1930, ne fut véritablement généralisée en France qu’après la Seconde Guerre mondiale.

Une aide médicale précieuse 

Parfois injustement accusé d’exercice illégal de la médecine par quelques détracteurs, Jules Collobert fut cependant d’une aide précieuse pour ces petits paysans et ouvriers agricoles exposés dans leur travail à de fréquentes plaies et blessures, qui, faute de soins, pouvaient s’aggraver et plonger la famille dans la misère. 

Désinfectant et soignant les plaies, prodiguant des conseils d’hygiène, gratuitement et à toute heure, il alliait à ces qualités celle de pouvoir parler breton à ceux qui s’adressaient à lui. C’est ainsi que, selon des témoignages de l’époque, 800 malades le consultèrent au cours de la seule année 1901.

S’il dut souvent affronter l’opposition de châtelains qui tentaient de préserver leur domination sur les habitants de la région, Jules Collobert était très apprécié du plus grand nombre, et exerçait une grande influence autour de lui, aussi accepta-t-il de se présenter aux élections municipales des 5 et 12 mai 1929. 

Elu maire, il trouva alors de nouvelles occasions de se rendre utile. Les registres de Lannéanou ont conservé la trace des nombreuses actions de la municipalité en faveur de la population. Ainsi, des allocations furent-elles versées à des personnes âgées aux maigres ressources, ou à des parents pour payer les frais de séjour d’un enfant à  l’hôpital, après examen de leur situation financière. 

En mars 1935, des aides furent notamment accordées à la famille d’un ouvrier agricole, qui s’était blessé le pied et avait dû interrompre son travail quelques temps. Cet homme, père de 6 enfants, avait aussi recueilli sa nièce orpheline. 

Au cours de son mandat, Jules Collobert et son équipe, défendirent aussi les intérêts de la commune auprès de la Direction des Eaux et du Génie rural, en présentant plusieurs demandes  d’aménagement de chemins ruraux, afin de remplacer les anciennes voies impraticables en hiver et de désenclaver certains hameaux. 

Une foule reconnaissante

Enfin, le maire appuya la demande d’un troisième poste d’instituteur à l’école de garçons qui comptait 90 élèves pour seulement 2 classes, et fit réaménager l’école dans un souci de «progrès tant du point de vue de l’hygiène que du point de vue pédagogique ».

Âgé et fatigué, Jules Collobert ne renouvela pas son mandat de maire, mais demeura conseiller municipal jusqu’à son décès en avril 1939 où, comme le notait le pasteur Alfred Somerville, un hommage lui fut rendu par « une foule d’amis attachés à celui qui ne leur avait fait que du bien ». Cet homme actif et généreux avait aussi réalisé le  mobilier remarquable que conserve encore de nos jours le Temple protestant de Morlaix.

N.L.