A l’ouest de la commune de Plémy (dans les Côtes-d’Armor, au nord de Loudéac), au lieu-dit « la Ville-Pierre », l’édifice qui était considéré comme un des plus anciens lieux de culte protestant de Bretagne n’est plus, malgré les cris d’alarme lancés dans les années 1977. Le toit s’est effondré, les colonnes sont dispersées.

Enquête : on pourrait considérer cet ancien lieu de culte comme une église clandestine, qui ne désirait en aucun cas être répertoriée, pour ainsi mieux échapper à la persécution. Il est lié à l’engagement en faveur de l’évangile de la grande famille des Gouyquet, qui possédèrent de nombreuses seigneuries en Centre-Bretagne. Cette famille fut une des premières à adopter la Réforme protestante dans la province mais aussi une des dernières à résister après la Révocation.

Deux chercheurs ont particulièrement écrit à ce sujet, Claude-Guy Onfray (le co-découvreur avec Gildas Bernard du registre de l’église de la Moussaye), et Jean-Luc Tulot, très certainement le meilleur connaisseur du protestantisme breton d’Ancien Régime, (voir ses très nombreuses études sur les familles protestantes de la région sur : jeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/02LMDLT.htm‎).

Abel Gouyquet, fameux capitaine huguenot pendant la Ligue, délivra à deux reprises le château de Corlay de brigands qui s’en étaient emparé (en 1599 puis 1616). Louis de Rohan Guéméné l’avait même nommé gouverneur de la place en signe de reconnaissance. Tant que cela fut possible, les protestants du Centre-Bretagne (Trédaniel, Loudéac…..) fréquentèrent les temples de La Moussaye ou des Salles.

Après la Révocation, les opiniâtres se réunirent à Plémy au temple de la Ville-Pierre construit clandestinement par les Gouyquet non loin de leurs seigneuries de Vaupatry et du Tertre (ils étaient aussi seigneurs de St-Eloi et Bienassis en Trédaniel).

Ce temple persista jusqu’à ce que les outrages du temps ne provoquent sa ruine en 1983. Dans ce petit hameau perdu de la campagne bretonne, trois des quatre murs de cet édifice subsistent, que d’aucuns estiment avoir été édifié à la fin du XVIe siècle.

Des morceaux de colonnes gisent çà et là. En face du temple, une vieille et belle maison du XVIe siècle est connue sous le nom de « La maison du pasteur » (photo ci-dessous).

C’est là un témoignage dans notre province de l’existence d’un protestantisme « du désert », relevé par le pasteur Bastide, par exemple, qui mentionnait des « assemblées du désert » à Ercé, et à Gahard au nord-est de Rennes

Derrière l’église paroissiale de Trédaniel, se trouve le manoir de Bienassis, qui appartenait aux Gouyquet. Ces huguenots opiniâtres se passèrent des services du prêtre à leur mort vers 1720. Jean Gouyquet et son épouse Claude se firent en effet inhumer clandestinement au fond du jardin de leur propriété …

Cette famille avait aussi été une des premières à passer à la Réforme dans les Côtes-d’Armor, comme le note Jean-Luc Tulot. C’est à Trédaniel que la dernière représentante huguenote de cette famille Gouyquet de Bienassis, abjura le 7 mai 1755, soit 70 ans après la Révocation : 70 ans de clandestinité !

Le vieux temple est détruit, les restes de colonnes jonchent le sol.

Les murs extérieurs ont résisté, et abritent aujourd’hui un garage de particuliers.

Note complémentaire du site Huguenotsinfo.free : « Vers 1550, le sieur de Gouyquet, chef du nom et d’armes d’une importante famille huguenote, obtient la création d’une Église dressée. Il fait construire un temple à la Ville-Pierre, un hameau isolé de sa seigneurie, tout à fait propice à la discrétion dont il est alors prudent d’entourer la pratique du culte réformé. Ce sera, en Bretagne, le premier édifice de ce type.

Outre sa vocation cultuelle, le bâtiment était également l’un des derniers exemples d’un type de construction publique assez fréquent au XVIe siècle : halles ouvertes au rez-de-chaussée et étage clos. En façade, on comptait cinq piliers de blocs cylindriques en granit local. On accédait à l’étage formé d’une seule grande pièce ornée d’une magnifique cheminée par un escalier de bois sculpté ».