Les Guerres de la Ligue

La mort, en 1586, du vicomte René II de Rohan à la Rochelle, où il s’était réfugié avec sa famille, laissèrent le château de Pontivy démuni au moment des guerres de la Ligue. Il fut pris par les troupes des ligueurs le 3 décembre 1589. Le culte catholique fut rétabli dans la chapelle du château. Bientôt les Espagnols s’y installèrent, en vivant aux frais de la population !

A Uzel, principal centre de la manufacture de «bretagnes», le seigneur était un protestant, le marquis Jean de Coëtquen, baron de Combourg et gouverneur de la ville et château de Saint-Malo. Il avait épousé en 1553 Philippa d’Acigné, membre d’une des premières familles huguenotes de la région, et tante de Claude du Chastel, qui finit par amener au protestantisme son soupirant, Charles Gouyon de la Moussaye, auteur de précieux «Mémoires».

Le marquis de Coëtquen eut à combattre son gendre pendant les guerres de la Ligue près de Loudéac. Jean d’Avaugour, seigneur de Saint-Laurent et Uzel par son mariage avec Françoise de Coëtquen, avait choisi le camp de Mercœur (gouverneur de Bretagne en 1582, beau-frère d’Henri III et chef ligueur), et était même devenu son maréchal de camp. Voulant reprendre Moncontour aux partisans d’Henri IV, il allait s’emparer de la ville quand son beau-père, informé, arriva en hâte de Concarneau. A la tête d’un fort contingent de soldats, il infligea une cuisante défaite au seigneur d’Uzel.

A Loudéac, trois croix ont été dressées en souvenir de ce combat durant lequel plus de cent soldats du parti ligueur trouvèrent la mort. Dans la région de Loudéac, un autre chef de guerre est resté célèbre, avec peut-être une réputation noircie par une historiographie partisane sur le plan religieux. Il s’agit d’Hervé de Kerguézangor, seigneur de la Ville-Audren et de Launay-Mûr, que la douairière de Rohan avait choisi comme précepteur de ses enfants. Passé au calvinisme, dit-on, il avait expulsé les moines de l’abbaye de Lanténac. Les auteurs en firent ensuite un brigand de grand chemin digne de La Fontenelle. On lui attribua l’assassinat de dix marchands rennais qui se rendaient à Quimper.

Le seigneur de la Ville-Audren mourut empoisonné en prison, et sa femme fut condamnée à être décapitée comme complice de son époux.

Il ne faut pas assimiler, comme le font certains auteurs, tous les partisans d’Henri IV (les «royalistes») à des huguenots. Il y avait un grand nombre de catholiques légitimistes qui acceptaient le Béarnais comme roi de France, puisque Henri III lui-même l’avait désigné comme successeur.
Ainsi dans les rangs royalistes, l’œcuménisme était de mise. Les ligueurs étaient par contre bien évidemment tous catholiques. Mercœur lui-même ne visait en fait que la prise du pouvoir en Bretagne, au titre d’héritier des Penthièvre (par son épouse). Référence à la Guerre de succession au XIIIe siècle.

La Guerre de la Ligue en Bretagne, guerre de sécession qui cache son nom, en est donc un lointain prolongement. Parmi les ligueurs se trouvaient aussi des catholiques sincères, comme Jérôme d’Arradon, le gouverneur d’Hennebont, qu’Henri IV maintint ensuite à son poste. Car la paix finit par arriver, avec la signature de l’Édit de Nantes en avril 1598. Celui-ci reconnaissait aux huguenots la ville de Pontivy comme l’une des six places de mariage du royaume.

En avril 1603, le roi Henri IV éleva le vicomté de Rohan au rang de duché-pairie, au profit de son cousin Henri II de Rohan, prince de sang pour la Navarre. La jeunesse d’Henri de Rohan, passée en partie dans le Poitou avec sa mère, avait été particulièrement austère, comme il convenait à un disciple de Calvin, mais aussi spartiate, par goût personnel: «Ennemi du plaisir à un âge où les autres le recherchent avec ardeur, il dormait peu, méprisait la somptuosité des habits, était frugal à table, ne buvait ordinairement que de l’eau… Toujours occupé à se vaincre lui-même, jamais il ne fut plus satisfait de sa personne que lorsqu’il avait passé des jours sans manger ou des nuits sans dormir, lorsqu’il avait souffert les ardeurs du soleil ou la rigueur du froid. Il supportait toutes ces fatigues à la chasse afin de supporter peu à peu celles de la guerre.»


Le duché de Rohan

Le siège du duché était Pontivy, et comprenait six châtellenies: Rohan, Pontivy, Gouarec, La Chèze, Loudéac, La Trinité. L’antique comté du Porhoët ne comprenait plus qu’une châtellenie: Josselin.
Henri de Rohan restait breton et il présida l’ordre de la noblesse aux États en 1608, 1609, 1611, 1616.
Un autre huguenot, Henri de La Trémoille, seigneur de Quintin, présida cet ordre en 1617, 1619,1623, 1626, 1628.

Le duc de Rohan avait épousé Marie Marguerite de Béthune, fille du grand Sully, ministre des finances et huguenot convaincu.

Les capacités exceptionnelles du duc de Rohan firent de lui le chef des armées protestantes au niveau national. Quand Louis XIII envahit la Navarre pour y rétablir le culte catholique au détriment du protestantisme, Henri de Rohan y vit la préfiguration de ce qui attendait l’ensemble du protestantisme. Il battit alors le rappel des troupes huguenotes pour s’opposer au roi et lui montrer que le protestantisme n’était pas mort. Mais sa puissance fut définitivement brisée après le siège de la Rochelle. Catherine de Parthenay s’y conduisit en héroïne, et refusant d’avoir un traitement de faveur lors de la capitulation de la ville, elle fut emmenée au château de Niort le 2 novembre 1628 comme prisonnière de guerre.
Richelieu voulait absolument briser les résistances (nobiliaire et protestante) à l’absolutisme royal. Louis XIII avait en octobre 1627 déclaré le duc de Rohan, qui était l’âme de la rébellion, déchu de tous ses droits.

Il ordonna qu’il «soit poursuivi comme ennemi de notre État, et principal auteur des troubles et factions présentes…» Ses biens furent confisqués en décembre de cette même année, et donnés à Henri de Bourbon, prince de Condé, à charge pour lui de ruiner toutes les fortifications. Condé envoya des émissaires pour prendre possession du duché et autres terres du chef protestant, et appliquer sans délai les directives royales.

Isaac de Juyé, sieur de Moricq, arriva à Josselin en 1628 et reçut la soumission du gouverneur, qui fut maintenu à son poste. Malgré les protestations des dames de Rohan, Catherine de Parthenay et Marguerite de Béthune (mère et épouse du duc), la démolition commença et le grand donjon fut mis à terre, entraînant dans sa chute un moulin qui était bien utile lors des sièges. Cinq des tours de l’enceinte furent abattues.

A Pontivy, il convoqua Louis Martineau qui, au service du duc, exerçait les fonctions de procureur fiscal de Gouarec, régisseur de la forêt de Quénécan et du château des Salles de Perret, et lui signifia le changement de propriétaire. Au cours d’une nouvelle inspection l’année suivante, effectuée par François d’Andigné au château des Salles, le maître des forges Geoffroy de Fineman, sieur d’Angicourt, fut révoqué.
Il apparaît cette année-là pour son mariage, dans les registres de l’église réformée de la Moussaye, comme plusieurs autres membres de la communauté réformée des Forges des Salles.

A La Chèze où se trouvait le château jumeau de celui de Josselin, mais en plus piteux état, le sieur du Plessix de Retz, gouverneur de la place, fut sommé de quitter les lieux avec sa garnison. Aucune résistance ne se manifesta. Le démantèlement de la place fut entrepris sans délai.

Les officiers de La Chèze, La Trinité, Loudéac déclarèrent reconnaître le nouveau seigneur. Au moment où le gouverneur du château de Blain, le sieur de Cambout, faisait sa soumission, l’intendant général du duché, Isaac Gouret, sieur d’Onglepieds, faisait le déplacement pour exiger que les droits du duc sur les archives de la Chambre du Trésor soient respectés. Là encore, les principales fortifications furent détruites. En mai 1629, le prince de Condé était en Bretagne pour prendre la mesure de ses nouveaux domaines. Mais la signature du traité de paix d’Alès le 27 juin modifia la donne, Henri de Rohan rentrait en grâce.

Par brevet du 8 août 1629, il fut remis en «paisible possessions de ses terres et châteaux», mais il ne savait pas ce qui leur était arrivé. Le cardinal de Richelieu, croisant le duc dans l’antichambre du roi, lui apprit le sort réservé à sa forteresse de Josselin par ces mots «Je viens, Monsieur, de jeter une bonne boule dans votre jeu de quilles»; en effet, cinq des neuf tours d’enceinte du château étaient à terre! Le duc de Rohan dut quitter le royaume, et fut envoyé comme ambassadeur en Suisse, puis fut général dans les Grisons et en Valteline.

Historien et fin tacticien, Henri de Rohan mourut en avril 1638 à l’abbaye de Königsfelden, des suites de blessures reçues à la bataille de Rhinfeld (il fut inhumé dans la cathédrale de Genève). Il est reconnu comme «un des plus grands capitaines et l’un des politiques les plus habiles du 17ème siècle» (biographie universelle 1844). En 1634 il avait passé quelques mois dans son château de Pontivy où, écrit Charles Floquet, «il profite de cette espèce de retraite pour écrire ses mémoires, qui ne paraîtront qu’après sa mort sous le titre: Mémoires du Duc de Rohan sur les choses advenues en France depuis la mort de Henri le Grand jusqu’à la paix faite avec les réformés en 1629». Sa fille Marguerite eut la responsabilité de la gestion de tous ses domaines. Momentanément convertie au catholicisme lors de son mariage en 1645 avec Henri de Chabot (lui-même petit-fils de protestants), elle fut d’autant plus active en faveur des réformés qu’elle retrouva une totale liberté à la mort de son mari en 1655.

Ses hommes de confiance furent en général protestants :
Henry de Portebise était gouverneur de Pontivy, Daniel du Moulin occupait la même fonction à Josselin, Jean de Mascarène de Rivière était fermier général du duché.

Un cimetière des huguenots existait même, appelé par les Pontiviens «Le paradis protestant», non loin du château, dans ce qui est devenu aujourd’hui le jardin du Centre Médico Educatif «La Providence», rue Robic. Marguerite fut traitée avec égard par la cour, elle obtint du roi bien des avantages qui profitèrent au Centre-Bretagne: par exemple le droit de marché ou de foire dans plusieurs places de son duché.

Pour s’en convaincre il suffit de reprendre l’énumération que fait Michel Duval dans son ouvrage: «Les foires et marchés de Bretagne» (1982, p.255).

«Le 14 mai 1660, la duchesse obtenait le rétablissement de deux assemblées au bourg de Saint-Sauveur-du-Haut, quatre à la Prénessaye, six à Querrien, une à Malabry dans sa châtellenie de Loudéac. Quelques années plus tôt (1651), elle était parvenue à installer trois foires et un marché au bourg de Séglien, et une foire près de la chapelle de Saint-Laurent-de-Bot en Silfiac. En juillet 1665, c’est le petit bourg de Perret qui était habilité à abriter six foires. On peut être surpris d’une telle érection en cette bourgade sise à quelques km du bourg de Gouarec, siège d’auditoire qui était déjà pourvu de foires. En réalité, c’est l’augmentation de son manoir voisin de la Salle et le développement des forges établies à proximité qui retenait l’attention de la duchesse, tant pour le commerce d’objets en fer, que d’autres produits usuels.»

Michel Duval explique que le pouvoir royal entendait prendre en compte les besoins de son artillerie, et pour ce faire, il se devait donc «d’assurer aux ouvriers et façonniers diverses commodités sur le lieu de leur travail». Cela prouve encore que la stratégie militaire était beaucoup plus prégnante qu’aujourd’hui dans les choix de société.

Louis XIV voulant restreindre l’expression du protestantisme dans son royaume, avant sa disparition complète, commença par user des voies légales, en faisant une lecture très restrictive de l’Édit de Nantes. Tous les lieux de culte protestants non mentionnés dans l’Edit durent disparaître. L’arrêt du 5 avril 1664 du Parlement de Bretagne ordonna la destruction de quatre temples bretons, avec en plus interdiction d’exercice dans les châteaux de Pontivy et des Salles (arrêt annulé le 19 janvier 1665).