Le 21 septembre 1770, à trois heures de l’après-midi, François Jézéquel, le geôlier des prisons de Carhaix, introduisait dans la Chambre du Conseil du siège royal de la sénéchaussée «un homme de cinq pieds et environ trois pouces (1m70), portant cheveux et barbe châtaigne, les yeux couleur d’eau, le visage long et plains, vêtu de toile à la mode de la campagne, chaussé de sabots et ayant un gros fer à la jambe».

Au sénéchal Joseph Le Guillou de Stangalen qui lui demandait son indentité, il répondit «avoir nom Guillaume Floch, âgé de 28 ans, ménager de campagne demeurant avant son emprisonnement au village du Caro, paroisse de Saint Hernin», et être «soldat milicien de ladite paroisse».

Il était accusé par le substitut du procureur général du roi Joseph Chauveau de Kernaeret d’avoir fait partie d’une troupe de voleurs qui s’était constituée en mars 1769 aux environs de Langonnet, et avait ensuite fait régner une grande insécurité pendant plusieurs semaines dans les campagnes tout autour de Carhaix et notamment à Saint-Hernin et Cléden-Poher.

Ces malfaiteurs entraient la nuit par effraction chez des paysans et des meuniers aisés qui leur étaient désignés par l’un de leurs complices, Pierre Hugot, surnommé «Thœr rus».

Ce couvreur saint-herninois du village de Kergus visitait en effet régulièrement les fermes de la région, sous prétexte d’y «quester du lard».

Là, il repérait les meilleurs chevaux, les bœufs gras, les bouvillons, les ruches remplies de miel, et tentait aussi, au cours de la conversation, de connaître le montant des économies des fermiers et de leurs voisins.

Masqués et armés

C’est ainsi qu’en avril 1769, ils apprirent que Jean Coënt, de Goazigonan en Saint-Hernin, Jean Kerroux, du village du Castel et un autre agriculteur de Crechivin en Cléden, possédaient des bourses bien garnies contenant plusieurs centaines d’écus.

A quelques jours d’intervalle, leurs portes furent «forcées entre minuit et une heure» du matin par une douzaine de malfaiteurs «masqués, armés de haches, de fusils, de triques et de crocqs de fer».

Ils menacèrent alors «le chef de ménage», sa famille et ses domestiques «de leur ravir la vie et de les incendier s’ils différoient de leur remettre l’argent qu’ils avoient chez eux».

Délestés de leurs économies

Jean Kerroux et Jean Coënt furent ainsi délestés de toutes leurs économies, qui se montaient à 249 et 297 livres, soit plus de la valeur d’une petite maison dotée d’une cheminée, de deux portes et deux fenêtres.

Ils perdirent aussi «presque toutes leurs hardes et leur linge» rangés dans des coffres et dans des armoires dont les serrures furent forcées par les malandrins.

Après avoir entassé ce butin dans «des poches» (des sacs de toile), ceux-ci les emportèrent chez une receleuse carhaisienne habitant dans la rue du Pavé, qui était chargée d’écouler le produit de leurs larcins.

Les documents conservés aux Archives du Finistère nous apprennent en outre que ces voleurs, dont le chef se nommait Jean Richard, avaient chacun leur spécialité.

François Le Bosser dérobait des pièces de toile aux halles de Carhaix, tandis que René Prigent, journalier à Ros Bian, près de Saint-Hernin, volait des chevaux et des bœufs avec ses compères Laurent Le Cudonnec, meunier au moulin de Cateller à Motreff, Guillaume Floch et François Quintin.

Louis Quillet, meunier à Petit-Carhaix, se chargeait, quant à lui, de vendre les chevaux volés sur les foires et marchés de Quimper, Gourin, Châteauneuf-du-Faou et Rostrenen, et recrutait des bouchers pour tuer et dépecer les bœufs dont les peaux étaient ensuite vendues à divers Carhaisiens.

Dénoncés par deux servantes

Avant l’arrestation et l’emprisonnement de tous les membres de la bande, seules deux servantes, Marie Cras et Marie Lévénès, osèrent les dénoncer, malgré les menaces de représailles dont elles avaient fait l’objet.

Au cours du cambriolage chez Jean Coënt notamment, Marie Lévénès avait en effet reconnu Jean Richard et François Le Bosser à leurs voix, Pierre Hugot dont le masque était tombé, ainsi que René Prigent et Laurent Le Cudonnec qui n’avaient pas pris la peine de dissimuler leurs visages.

Lors d’un premier procès, ils furent condamnés aux galères à perpétuité par les magistrats carhaisiens, mais firent appel de cette sentence auprès du Parlement de Rennes.

Celui-ci les renvoya devant la cour de justice de notre ville, qui cette fois les condamna à la pendaison, au terme d’un second procès au cours duquel 187 témoins, dont plusieurs avaient été victimes de leurs rapines, furent auditionnés du 3 décembre 1770 au 14 juin 1771.

 

J.L.C.