(Extrait du fascicule historique n°2, sur les protestants en Bretagne Centrale, 10e AG du 3 mars 2013)

Auguste Chrétien JUNCKER, né le 5 mars 1791 à Obenheim dans le Bas-Rhin, était le fils du pasteur luthérien Philippe Junker, et le neveu par sa mère du général comte Walther.

Après des études à l’Ecole polytechnique, Auguste Junker devint ingénieur du corps des mines. Il termina sa carrière comme inspecteur général des mines. Arrivé à Poullaouën (Finistère, situé à 5 km de Carhaix) en 1816 en qualité d’inspecteur des mines, il accéda la même année à la direction de l’établissement en remplacement de Monsieur Blavon-Duchesne, décédé.

Si ses compétences techniques, son dynamisme professionnel le rendirent célèbre, ses qualités humaines n’en sont pas moins à souligner. Son hospitalité, sa personnalité accueillante et chaleureuse furent notamment remarquées par les élèves ingénieurs séjournant à Poullaouën / Huelgoat.

Monsieur Juncker semblait partager ces qualités avec son épouse dont la bonté et l’amabilité furent particulièrement notées par le jeune Fortuné de Boisgobey, en visite à la mine.

Une prouesse technologique

Comme il a été noté dans les paragraphes consacrés aux prédécesseurs d’Auguste Juncker, l’infiltration des eaux dans les galeries constituait un problème permanent. Les machines hydrauliques installées au 18e siècle n’apportaient pas de solutions pleinement satisfaisantes : du fait de leur mécanisme compliqué et rudimentaire, leur rendement stagnait autour de 20 %. Les responsables des mines de Poullaouën / Huelgoat, comme ailleurs, étaient à la recherche de nouvelles technologies pour poursuivre l’exploitation en profondeur. Il fallut attendre le début du 19e siècle pour qu’enfin une étape nouvelle soit franchie grâce aux travaux de Monsieur de Reichenbach, ingénieur aux salines de Bavière en Allemagne (Illsang et Rosenheim).

Celui-ci avait mit au point une efficace machine dite à colonne d’eau, qui, selon le principe d’hydraulique de Pascal, permettait d’élever l’eau d’une source au-dessus de son niveau. Comme les ingénieurs de plusieurs pays, Auguste Junker alla observer les travaux de Monsieur de Reichenbach avant de mettre en œuvre ces techniques à la mine de Huelgoat. Christophe Juncker perfectionna en outre le système mécanique développé par Monsieur Reichenbach, par d’ingénieux agencements. Il mit en service deux machines identiques d’un mètre de diamètre et 2,30 m de courbe, actionnées grâce à une chute d’eau de 61 mètres (provenant du canal supérieur à la mine de Huelgoat-Locmaria) La puissance ainsi obtenue permettait d’extraire 3,58 m³ par minute d’une profondeur de 230 mètres. Ces machines dont la puissance et le perfectionnement du mécanisme constituaient une prouesse pour l’époque furent mises en service en 1831, et fonctionnèrent jusqu’en 1866. La renommée de Juncker se répandit dans tout le monde métallurgique, et beaucoup vinrent sur place voir cette fameuse « machine de Juncker ». Des revues savantes en parlèrent, et elle fut présentée en détail dans un reportage que la revue « L’illustration » consacra en 1845 aux mines de Poullaouen (n°120 du 14 juin).

Leur méthode fut mise au programme des études des élèves ingénieurs, et les conseils d’Auguste Chrétien Junker furent recherchés bien au-delà du niveau local. Ses deux fils devinrent polytechniciens. Son frère le général aimait à venir séjourner chez lui :« Il y a encore là un vieux de la vieille, un colonel de la garde, frère de M. Juncker, » écrit en 1839 un visiteur de passage.

Un maire dévoué à sa commune

Auguste Juncker s’investit aussi sur le plan politique en prenant la tête de la municipalité de Poullaouën comme plusieurs de ses prédécesseurs à la mine. Il fut élu maire plusieurs fois et le demeura jusqu’à son départ en 1842. Au cours de son mandat – nous apprend l’ancien archiviste de Poullaouën – il eut l’occasion de remettre sur pied en 1832 l’école pour les enfants du personnel des mines. En 1838 la direction des mines mit « l’école de la maison neuve » à disposition de la municipalité (qui l’achètera en juin 1864) pour servir d’école communale de garçons. Etait-ce en application avec les lois Guizot sur l’instruction publique ? Le bâtiment existe toujours, derrière ses belles grilles, un peu plus haut que l’ancien hôtel Sainte-Barbe, en direction du bourg.

Sont également visibles sur les murs intérieurs, au niveau de l’escalier qui permettait de rejoindre la salle de classe à l’étage, les graffitis des générations d’élèves qui ont ici appris les rudiments de la langue française, à l’époque où le breton était la langue usuelle pour la grande majorité de la population.

La commune de Poullaouën fut pendant plusieurs années au bénéfice d’un maire de grande compétence, et elle lui fut reconnaissante comme en atteste un extrait du registre du conseil municipal en date du 31 janvier 1842 : « Le conseil a voté à l’unanimité des remerciements à Monsieur Junker, maire démissionnaire, en reconnaissance du zèle qu’il a mis à administrer la commune pendant sa gestion ».  .

Auguste Juncker quitta la Bretagne le 1er février 1842, mais était déjà remplacé dès 1841 par Jean-Félix Piot (1817-1858), alors encore élève ingénieur, qui eut pour mission de mettre en œuvre un procédé belge de traitement de la blende. Mais le prix du zinc ayant chuté, le projet fut abandonné et J. F. Piot réintégra « le corps ». Juncker s’installa alors à Paris où il assuma la charge du service minéralogique et des carrières du département de la Seine (aujourd’hui Paris). Il réorganisa et géra ce service jusqu’en 1851. L’atlas souterrain des carrières de Paris date de cette époque. Ingénieur en chef puis inspecteur général des mines (et officier de la légion d’honneur), il aura l’occasion de visiter les principaux sites miniers de France, et bien sûr de revenir constater par lui-même l’évolution des mines de Huegoat / Poullaouën/ Locmaria-Berrien. C’est ainsi qu’on le voit encore rédiger lui-même un rapport d’inspection à Poullaouën le 2 septembre 1854.

Cette période de la vie d’Auguste Juncker fut aussi marquée par son engagement dans l’église évangélique luthérienne de Paris. Il fut ainsi membre de son consistoire de 1844 à 1865, et est décédé le 4 janvier 1865 à Paris. Ses obsèques furent célébrées en l’église de la Rédemption rue Cauchat et son inhumation eut lieu au cimetière du Père Lachaise.

Auguste Juncker a laissé en Centre-Bretagne jusqu’à nos jours, le souvenir d’un directeur particulièrement ingénieux et dynamique, qui permit de prolonger de plusieurs dizaines d’années une exploitation en difficulté. Il convient également de souligner, au-delà de ses qualités professionnelles, l’intérêt que cet Alsacien protestant, a porté à sa commune d’adoption, bretonnante et rurale. (N. L.).